harcèlement : 3 heures pour tout changer ?

2021, tout change, rien ne change ? L’exemple du Cinéma

Harcèlement : un dispositif du CNC en réponse à une injonction politique

Comment ne pas être perplexe devant le dispositif mis en place par le CNC, suite à l’injonction du Ministre de la Culture Franck RIESTER ?

En effet, « Lors des 2èmes Assises pour la parité, la diversité et l’égalité dans le cinéma et l’audiovisuel organisées avec le collectif 50/50 en novembre 2019, le ministre de la Culture Franck Riester a annoncé que le versement de toutes les aides du CNC serait dorénavant conditionné au respect, par les entreprises qui les demandent, d’obligations précises en matière de prévention et de détection des risques liés au harcèlement sexuel[1]. »

Harcèlement : une formation CNC imposée aux responsables légaux

Face à cette obligation, la réponse du CNC consiste à proposer aujourd’hui des formations gratuites à l’intention des seuls responsables légaux des sociétés de production de cinéma ou de jeux vidéos, 90 sessions de formations, espérant « former » 9000 professionnels d’ici 2023.

Une formation de 3 heures pour prévenir le harcèlement sexuel

Les formations se présentent comme des modules de 3 heures en présentiel au siège du CNC qui doivent obligatoirement être suivis par ces responsables légaux, 3 heures au cours desquelles ils se verront présenter la définition des violences sexistes et sexuelles, connaître les modes de preuve et les obligations de l’employeur.

Harcèlement : que peut-on attendre d’une formation express ?

Quel peut être l’effet de ces 3 heures sur les Weinstein en puissance ?

Enfin, via une plateforme de « e-learning », le responsable sera soumis à un échange de questions/réponses dont la réussite conditionnera la délivrance d’une certification des acquis aux professionnels formés. L’inscription, le suivi de la formation et l’obtention de la certification sont indispensables pour les sociétés qui souhaitent pouvoir bénéficier des aides du CNC à partir du 1er janvier 2021.

Harcèlement au travail : où sont les indicateurs d’impact ?

Tout semble indiquer que nous sommes ici dans une forme d’apprentissage théorique et dans l’abstraction.
Mais où sont les indicateurs ?
Comment mesure-t-on les effets de la formation sur les comportements du personnel au travail ?

La limite des formations théoriques contre le harcèlement

Car tous les professionnels de la pédagogie savent qu’une formation ne se suffit pas à elle-même. Qui plus est quand il s’agit d’une formation théorique, qui plus est quand il s’agit d’avoir un effet sur les comportements. Seul le caractère concret de la pédagogie, c’est-à-dire partant du vécu et de l’expérience des individus est susceptible de leur faire prendre conscience de leurs comportements.

Harcèlement : agir avant, pendant et après la formation

De plus, la possibilité de faire vraiment évoluer les mentalités réside dans « l’avant », c’est-à-dire la prise de conscience de l’enjeu d’agir et l’engagement formel à faire un véritable effort, à y consacrer du temps et des moyens. A ce titre, la gratuité des formations du CNC pourrait être un premier indice de l’engagement réel demandé aux sociétés de production. Elle réside ensuite dans « l’après », c’est-à-dire tout ce qui est mis en œuvre dans un collectif pour maintenir durablement les changements, à commencer par l’évaluation des effets de ceux-ci non seulement sur les relations et le climat de travail mais aussi sur la performance de l’organisation.

Harcèlement : une réponse politique ou un réel levier de changement ?

La proposition du CNC apparaît ainsi bien légère. Et, sans aucun jugement de valeur sur l’association qui à elle seule dispensera la totalité des formations prévues à travers toute la France, l’AVFT qui fait autorité sur ce thème depuis deux décennies, on peut légitimement se demander si ce dispositif n’est pas mis en place uniquement exposer une volonté politique de ne pas laisser ces appels de victimes sans réponse, sans s’être demandé quel type d’intervention, auprès de quels publics et selon quelle intensité serait réellement pertinent pour véritablement changer les choses.

Harcèlement : une transformation culturelle indispensable en entreprise

Chacun souscrira bien entendu aux dernières conclusions du HCE, tant il est grand temps d’appliquer des moyens à la hauteur des enjeux. Ces moyens sont connus et définis : il s’agit de l’ensemble des méthodes qui permettent à l’échelle d’un groupe d’individus de faire évoluer les comportements et la culture. Il s’agit de l’intégration de normes, de règles, de droits et de devoirs, de tout ce qui fait que la vie ensemble est possible. Et pour que les individus concernés en soient acteurs, la seule solution est qu’ils en soient co-auteurs, dans une logique ascendante.

Harcèlement : le rôle clé de l’entreprise dans la prévention

Le monde du travail et les entreprises sont autant de lieux de micro-cultures avec leurs mythes, leurs croyances, leurs systèmes d’interactions sociales et de valorisation de comportements, leurs dirigeants auxquels on ne cesse de répéter qu’ils doivent être exemplaires. Elles apparaissent donc effectivement comme l’échelon pertinent pour faire évoluer positivement et efficacement les comportements sur les rapports hommes – femmes.

Harcèlement : l’entreprise comme espace de protection potentiel

Et pour peu qu’on y mette de réels outils en place, dans ce monde qui peut être hostile aux plus faibles, l’entreprise constituerait alors, pourquoi pas, le havre de sécurité de celles et ceux qui participent à son développement.

[1] https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/le-cnc-lance-la-formation-prevenir-et-agir-contre-les-violences-sexistes-et-sexuelles_1335346