« Enquête interne harcèlement au travail »

Harcèlement au travail : un cadre juridique encore incomplet

Dans un arrêt du 27 novembre 2019[i], la cour de cassation est venue renforcer les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail, en systématisant la mise en place d’une enquête dès réception d’une plainte d’un salarié sur le fondement du harcèlement moral. La cour a jugé que l’obligation de prévention des risques professionnels, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.

Depuis, chacun a compris qu’en cas de signalement de harcèlement, il convient pour l’employeur de mettre en place cette enquête.

Harcèlement au travail : l’obligation d’enquête de l’employeur

Une enquête nécessaire même en cas de faits non avérés

À  défaut, il risque de voir sa responsabilité engagée et d’être condamné au versement de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de prévention des risques professionnels peu important que les faits allégués soit finalement établis ou non. Mais les modalités de cette enquête ne sont précisées par aucun texte. C’est donc la jurisprudence qui en dessine peu à peu le spectre.

Enquête interne ou prestataire externe : des modalités au cas par cas

On le sait, elle peut être menée exclusivement en interne ou par un prestataire externe, selon les cas d’espèce. L’enquête variera donc du simple questionnaire préétabli par l’employeur, au déploiement d’un ou de plusieurs personnes externes à l’entreprise qui dérouleront des entretiens plus longs et plus exhaustifs avant de remettre un rapport complet, assorti de préconisations le cas échéant.

Harcèlement au travail - que dit la loi ?

Harcèlement au travail : les limites du dispositif juridique

Le respect des droits de la défense précisé par la jurisprudence

La Cour de Cassation est venue préciser récemment[ii] que le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n’impose pas que, dans le cadre d’une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d’autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu’il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu’il soit entendu.
En effet, la décision que l’employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.

Quand l’auteur du harcèlement au travail est l’employeur lui-même

Cette avancée jurisprudentielle que constitue l’enquête dans la prévention et dans la lutte contre le harcèlement au travail se heurte toutefois à un écueil lorsque la personne qui est mise en cause par le signalement est l’employeur lui-même…

Dans ce cas, l’enquête sera diligentée par ses soins ou selon ses instructions et il conviendra que le salarié ménage ses propres preuves de son côté pour faire valoir ses droits judiciairement. Mais il se peut aussi qu’elle ne soit pas diligentée du tout et cette absence d’enquête, si le harcèlement est par la suite reconnu par la juridiction par le salarié, pourra donner lieu à indemnisation supplémentaire.

[i]  Cass. Soc 27 novembre 2019 n°18-10.551
[ii] Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2022, 20-22.220, Publié au bulletin