Comment positionner les référent(e)s harcèlement sexuel dans les organisations ?

Intervention auprès de référents harcèlement : un enjeu de visibilité

Un grand merci à l’Uriopss Bretagne de nous avoir invités à intervenir pour former dix référent(e)s  harcèlement sexuel – enfin plus exactement neuf référent harcèlement (s) et un référent, peu de surprise au niveau de cette répartition – qui nous donne l’occasion de revenir ici sur la question de leur positionnement en interne et de leur visibilité.  Car sont-ils vraiment les bienvenus au sein des organisations ? Et que peuvent-ils vraiment y faire ?

Référent harcèlement : un rôle à clarifier

En effet, ces questions ont occupé une large place de nos débats. Car si le harcèlement sexuel est -enfin- devenu un sujet, le périmètre des missions établi par le législateur ainsi que la faiblesse des moyens alloués posent question sur les possibilités d’action réelle des référent(e)s au sein de leurs organisations.

L’influence comme levier d’action du référent harcèlement

Celles-ci dépendront avant tout de leurs capacités d’influence et d’une forme de marketing interne, qui peut s’avérer particulièrement délicat au vu du caractère sinon encore quasiment tabou du harcèlement sexuel mais du moins synonyme d’un problème que souvent, l’on préfèrerait taire.

Un rôle parfois réduit à une obligation formelle

En effet, dans le cadre légal actuel, le risque est réel de voir le rôle des référent(e)s cantonné à « cocher la case » de l’obligation légale, c’est-à-dire se voir placés en situation d’en faire le minimum, le plus discrètement possible car « est-ce qu’on ne va pas ouvrir la boîte de Pandore ? », selon une remarque déjà souvent entendue, notamment lorsqu’il est question d’aborder les RPS.

Comment renforcer la légitimité du référent harcèlement ?

Alors, comment aider les référent(e)s à faire évoluer les représentations liées à l’intitulé de leur rôle ? Comment faire en sorte que leur mission de sensibilisation des salariés aux agissements sexistes ne soit pas assimilée à créer des problèmes ou des suspicions là où jusqu’à présent il n’y en avait pas ?

Bien entendu, nous n’avons pas la prétention d’avoir toutes les réponses à ces questions. Mais nous pourrions dire que pour embarquer et rassurer ses collègues il s’agit avant tout de donner du sens et de parler des enjeux.

La règle : quel est le risque juridique à ne pas agir ?

Ces enjeux peuvent relever du risque à ne pas agir. Et celui-ci est réel, dans un environnement juridique d’obligation de sécurité de l’employeur et où notamment, à compter du 31 mars 2022, la lutte contre les agissements sexistes est à nouveau renforcée : « dès lors que, liés au sexe d’une personne, ces agissements seront « répétés », ils seront susceptibles de constituer un harcèlement sexuel au sens de l’article L. 1153-1 du Code du travail, indépendamment de l’intention de leur auteur ou de la qualification de l’infraction au sens de l’article L. 222-33 du Code pénal.

référent harcèlement - quel est le risque juridique à ne pas agir ?

Une responsabilité accrue pour l’employeur et le référent harcèlement

Il est désormais prévu, également dans le code du travail, que les propos ou comportements à connotation sexiste imposés à une personne peuvent aussi caractériser un harcèlement sexuel. De plus, l’infraction peut être commise par plusieurs personnes, de manière concertée ou non, sans qu’aucune d’entre elles ait agi de façon répétée. Alors que le Haut-Commissariat à l’Égalité nous rappelle que « près de la moitié des Françaises (46 %) ont déjà été victimes d’actes ou de propos sexistes au travail », ceci peut donner à réfléchir.

La norme : quel intérêt avons-nous à changer ?

Voilà pour la dissuasion. Mais fait-on réellement changer les cultures et les comportements par la peur de la sanction, de la contrainte et de la règle ? Partiellement, seulement. Car le « vrai » changement vient toujours des individus eux-mêmes et nécessite qu’ils en soient auteurs. Autrement dit, quelles que soit les avancées de la loi dans son caractère protecteur et rassurant, elle s’impose à la société toute entière, de manière descendante. Elle ne peut donc qu’encadrer ce qui détermine réellement les comportements au sein d’un groupe, à savoir les normes qui composent sa culture : ce qui est perçu comme « normal » ou « anormal », « acceptable » ou « inacceptable », « valorisé » ou « à proscrire »…De manière souvent implicite.

Le rôle culturel du référent harcèlement : rendre l’implicite explicite

Dans cette optique, le rôle des référent(e)s pourrait alors être de passer de l’implicite à l’explicite. En créant des espaces de réflexion, de verbalisation, probablement de remise en question. Il s’agirait alors probablement de commencer par faire imaginer des manières de vivre et travailler ensemble, entre femmes et hommes, idéales, pour ensuite en déduire les comportements associés.

Pour une mission mieux acceptée… et plus efficace

Parions alors que l’approche par « la lutte contre le harcèlement » pourrait gagner en acceptabilité. Et surtout, quelles que soient les appellations choisies par les organisations – la promotion de relations de travail plus saines, plus « sûres »… – , en efficacité.